Histoire de la commune de Saint-Aubin

Les premières traces d'une vie sédentaire sur le territoire de la commune de St-Aubin datent de l'époque romaine. Le rayonnement de la cité d'Aventicum (Avenches) devait certainement atteindre également ces lieux, en atteste la présence de la villa romaine de Vallon, commune voisine de St-Aubin. Cette colline sur laquelle se dresse aujourd'hui St-Aubin a donc dû être occupée par les romains. On y a retrouvé notamment des restes de tuiles et de canalisations. Mais le village était-il exactement au même emplacement? Portait-il déjà le même nom que de nos jours?

Concernant l'emplacement exact, nous ne pouvons être sûrs de rien. Cependant, nous savons que St-Aubin tire son nom d'un évêque d'Angers. Aubin a vécu de 470 à 550 et fut, tour à tour, moine, abbé et finalement, dès 529, évêque de la ville d'Angers. Il a été reconnu comme l'auteur d'exorcismes et de la libération d'un prisonnier, innocent, par la mort de son gardien sous le coup de la volonté divine. Il était également un grand propagateur du catholicisme et de nombreuses églises furent bâties et placées sous le vocable de ce personnage dont le culte de sa sainte personne commençait à se répandre après sa mort. Il se faisait souvent l'avocat des pauvres, des malades. On lui attribue de nombreux miracles de son vivant et même après sa mort. On attribue même un miracle à ses reliques. En effet, lors de l'invasion des vikings sur la commune de Guérande (FRA) en 919, le Saint est apparu sur un cheval et aurait mis en fuite les barbares. Sa réputation a donc rapidement dépassé les limites de son diocèse et il n'est pas étonnant que tant de villages portent aujourd'hui son nom.

Fridolin Brülhart, membre des sociétés d'histoire de la Suisse romande et du canton de Fribourg et ancien chapelain du village, annonce dans son ouvrage de 1932, qu'une charte de l'an 615 mentionne des vignes situées à Saint-Aubin en Vully : "vinea in pago Villiacensi villare Sancti Albini". Cette charte concerne une donation au couvent de Saint-Maurice et est répertoriée dans le Conservateur Suisse1. Cela consitue pour lui la première apparition du nom de notre village dans un écrit. On peut donc en déduire que St-Aubin a reçu la foi chrétienne et son nom déjà avant 615, dans la deuxième moitié du VIe siècle. De plus, la présence certaine d'évêques à Avenches fait supposer que les villages alentours étaient déjà chrétiens au VIIe siècle.

Apollinaire Dellion (1822-1899), qui était membre des mêmes sociétés que Fridolin Brülhart, écrit en 1901 que Saint-Aubin est cité pour la première fois en l'an 1073. Dans un acte de Bucco d'Oltingen, père de l'évêque Burcard d'Oltigen. Dans cet acte, il lègue à l'église de Lausanne "une vigne située à S.-Aubin, dans le Vuilly, sur le chemin public qui conduit à la forêt."

Un acte de 1090 écrit par Robert seigneur d'Estavayer fait également mention de Saint-Aubin. Puis quelques années plus tard, en 1166 l'église de Saint-Aubin est citée avec la chapelle de Portalban : "Ecclesia S. Albini et capella Portubanni".

Notre village possède donc le nom de Saint-Aubin depuis au minimum près de 1000 ans voire 1400 ans si l'on s'en tient au témoignage de Brülhart. Dans les actes anciens, on désigne souvent le village par St-Aubin-en-Vully entre autre pour le distinguer du village de St-Aubin dans le canton de Neuchâtel.

1Conservateur Suisse, ou recueil complet des étrennes helbétiennes, colume VIII, Louis Knab, Lausanne, 1817

St-Aubin en main savoyarde (1250-1536)

St-Aubin existait donc déjà durant le Moyen-Age puisqu'on en trouve des traces écrites certifiées dès 1073. Jusqu'en 1218, comme une grande partie du territoire helvétique, notre village était sous le joug des Zaehringen. Après la mort du dernier duc de Zaehringen, Bertold V, la Bourgogne et la Savoie se disputèrent l'Helvétie romande ou plutôt le Pays de Vaud. Mais un membre de la maison de Savoie se montra plus téméraire que tout le monde et s'empara du Pays de Vaud. Il s'agissait de Pierre II de Savoie, surnommé le Petit Charlemagne. Déjà seigneur de Romont, il se fit reconnaître suzerain de Gruyères dès 1245, puis d'Estavayer, de Morat et d'Yverdon. Aussitôt, le seigneur de Cossonay, qui contrôlait également la seigneurie de Grandcour, se déclara vassal de Pierre II de Savoie. Et c'est ainsi que St-Aubin passa sous la suzeraineté de la Savoie.

Précisons en effet que le village de St-Aubin faisait partie de la seigneurie de Grandcour qui elle-même était vassale de la Savoie qui contrôlait à cette époque le Pays de Vaud et cela jusqu'en 1536. La seigneurie de Grandcour comprenait : Grandcour, Chevroux, Chésard, St-Aubin, le village disparu d'Agnens et Villars-le-Petit (aujourd'hui Les Friques). Avec la seigneurie de Bellerive, elles formaient une unité administrative qui était la châtellenie de Grandcour.

Aux alentours de 1300, la châtellenie de Grandcour fut donnée à la famille de Grandson après un mariage entre Blanche de Savoie, sœur de Louis II de Savoie seigneur du Pays de Vaud, et Pierre II de Grandson. Puis notre village passa dans les mains de Gérard d'Estavayer en l'an 1393 après que le seigneur Othon III de Grandson fut tué en duel par le premier nommé. Humbert de Savoie, fils bâtard du comte Amédée VII, emprisonné en 1396 après la bataille de Nicopolis suite à une croisade contre l'empire ottoman fut délivrée en 1402 des prisons du sultan Bajazet. De retour chez lui, il reçut de son frère, le comte Amédée VIII de Savoie, les seigneuries de Corbières, Montagny, Cudrefin, Bellerive, Grandcour et la coseigneurie d'Estavayer. C'est à cette époque qu'on trouve les premières mentions des anciennes familles de St-Aubin. Ainsi on voit les noms de Ramuz, Perriard, de Bruel, Verdon, Rusty (Ruty), Dessibourg. A Villars les Friques on voit les noms de Bardet, Marion et Guerry. Les Collaud, famille majoritairement répandue dans le village de nos jours, arriveront un peu plus tard. Une trace écrite les fait apparaître pour la première fois aux alentours de 1450.

La création de la seigneurie de St-Aubin (1443)

Quelques années avant sa mort, dans son testament, le comte Humbert de Savoie, seigneur de Grandcour et par conséquent de St-Aubin, avait donné à son neveu Antoine Angleis le fief de Dompierre (qui appartenait à la seigneurie de Montagny) ainsi que le château de la Molière. Cependant le bourg de la Molière était d'une importance stratégique pour la défense du Pays de Vaud aux yeux du duc Louis de Savoie. De plus, il ne souhaitait guère démembrer sa seigneurie de Montagny en cédant ainsi Dompierre. Il préféra alors constituer une nouvelle seigneurie, celle de St-Aubin. L'acte de fondation fut signé à Genève le 15 décembre 1443. On y joignit l'année suivante les villages d'Agnens et des Friques. Ainsi, Antoine Angleis fut le premier seigneur de St-Aubin dès 1443 et jusqu'à sa mort à Estavayer en 1498.

Pour Grandcour, la perte de St-Aubin était considérable. Une liste des revenus de la châtellenie établie en 1430 révèle que St-Aubin représentait le quart des ressources en argent, le tiers de froment et plus de la moitié des volailles. Militairement aussi cela fut une perte autant en hommes qu'en revenus (impôts). Malgré cela, Grandcour ne pouvait qu'obéir aux ordres du duc de Savoie lui-même de détacher St-Aubin de sa seigneurie.

Les nouveaux sujets d'Antoine Angleis, contents de former désormais une seigneurie indépendante de Grandcour et du droit de disposer de leur propre cour de justice, firent la fête et prêtèrent serment de fidélité à leur nouveau seigneur le 15 décembre 1443 sur la place publique, devant l'église.

Les guerres contre Fribourg (1447-1477) et la combourgeoisie

Le 2 février 1447, Antoine Angleis, qui demeurait continuellement à Estavayer, promit, au nom des habitants de St-Aubin, d'être perpétuellement militairement allié de la ville d'Estavayer pour ainsi jouir de ses fortifications afin de protéger les habitants de sa seigneurie en cas de guerre et cela jusqu'à ce qu'un château assez grand pour abriter ses sujets soit construit dans le village de St-Aubin.

Et la guerre éclata peu après, en décembre 1447, entre la Savoie et Fribourg. Le 8 janvier 1448, le contingent militaire d'Estavayer partit rejoindre les forces savoyardes près de Morat. St-Aubin, toujours vassal du duc de Savoie et désormais militairement lié à Estavayer, dut également fournir des hommes pour la guerre. S'ensuivit plusieurs batailles et incursions savoyardes dans le pays de Fribourg jusqu'à ce que la ville des Zaehringen, affaiblie et vaincue, accepta de signer le traité de Morat en 1449. Trois ans plus tard, Fribourg accepta la suzeraineté de la Savoie.

St-Aubin fut détaché de son serment militaire avec Estavayer le 5 août 1461 après plusieurs refus d'envoyer des hommes. Le village se rendait compte qu'il lui fallait trop souvent mettre des hommes d'armes à disposition et se trouvait trop éloigné de la ville d'Estavayer pour accomplir raisonnablement sa promesse. Alors en conflit avec son seigneur Antoine et avec la ville staviacoise, St-Aubin obtint gain de cause auprès du bailli du Pays de Vaud mais dut payer la somme de 200 florins à Estavayer pour dédommagements.

Puis arrivèrent les guerres de Bourgogne qui opposaient les ducs de Bourgogne et de Savoie aux confédérés suisses. Le Pays de Vaud était alors trop faiblement armé et lorsque les Bernois et Fribourgeois, arrivèrent dans la Broye en 1475, ils s'emparèrent facilement des seigneuries de Montagny, Grandcour, Cudrefin et St-Aubin. Ces conquêtes furent cependant rendues à la Savoie en 1476 contre sa neutralité dans le conflit et St-Aubin faisait alors à nouveau partie du Pays de Vaud. Fribourg obtint toutefois en 1478, la seigneurie de Montagny à laquelle appartenait Domdidier.

Mais le 13 novembre 1497, les habitants de la seigneurie de St-Aubin furent admis à la combourgeoisie de Fribourg. Cette alliance promettait à St-Aubin une protection de la part de Fribourg et en contrepartie la ville bénéficiait de l'appui des St-Aubinois en cas d'attaque.

Les d'Oncieux, seigneurs de St-Aubin sous le règne de la Savoie (1498-1536)

A la mort d'Antoine Angleis en 1498, la seigneurie devint par héritage la propriété de Philippe d'Oncieux qui était le neveu de sa femme, Jacqueline d'Oncieux. Le seigneur Angleis n'avait malheureusement pour lui, pas eu d'enfant avec son épouse. Les d'Oncieux provenaient d'une noble famille de la Franche-Comté et tiraient leur nom du village d'Oncieux dans le département de l'Ain.

Philippe mourut en 1529. Il avait alors cinq enfants. Quelques mois plus tard, en 1530, Charles et Jean, les deux plus âgés des cinq enfants, prêtèrent serment aux habitants de la seigneurie, accompagnés par leurs tuteurs puisqu'ils n'étaient officiellement pas en âge de gouverner.

A noter qu'en 1532, le 17 juin, les St-Aubinois prêtèrent serment de fidélité au duc de Savoie, Charles, en visite dans nos contrées. Effectivement, bien que St-Aubin fût une seigneurie indépendante, elle n'en demeurait pas moins une possession savoyarde malgré le pacte de combourgeoisie avec la ville de Fribourg. Ce serment du 17 juin est donc un renouvellement de serment, un hommage des habitants à son plus grand seigneur.

Cependant, Charles de Savoie n'avait pas fait ce voyage en Pays de Vaud pour rien en cette année 1532. Il sentait que le vent allait tourner et les événements futurs devaient lui donner raison.

L'ancienne église paroissiale était fortement délabrée à cette époque et tombait en ruine. Après plusieurs années de discussions, on décida d'en construire une nouvelle. Sa construction, dans un style gothique, s'étala sur plusieurs années mais débuta en 1516. C'est la même bâtisse qui, aujourd'hui, trône toujours au centre du village même si diverses rénovations ont permis au bâtiment de le conserver.

Les d'Oncieux, seigneurs de St-Aubin sous l'autorité de Fribourg (1498-1606)

En 1536, la situation était sur le point de changer concernant les relations entre St-Aubin et le duché de Savoie. Celle année-là, Berne déclara la guerre à la Savoie après que celle-ci ait fait investir Genève, alors alliée de la ville des Zaehringen. Le but des Bernois était de s'emparer du Pays de Vaud. St-Aubin demanda immédiatement à Fribourg, allié de Berne, sa protection lors du passage des troupes bernoises. Et celles-ci, à la demande de Fribourg, s'engagèrent à laisser en paix plusieurs villes et villages, dont St-Aubin.

La Savoie est occupée par le Roi de France et les Suisses s'emparent du Pays de Vaud. Ainsi, le 24 février 1536, les habitants de la Seigneurie de St-Aubin prêtèrent serment de fidélité aux délégués de Fribourg. La seigneurie n'appartenait donc plus à la Savoie mais était désormais sujette de la ville de Fribourg.

Au printemps 1536, des délégués de St-Aubin se rendirent plusieurs fois à Fribourg pour rencontrer les autorités. Ils désiraient ne plus payer le droit bourgeoisial en place depuis le pacte de combourgeoisie de 1497 puisqu'ils étaient désormais sujets de la ville. Cette dernière leur accorda leur revendication à la condition que s'ils rentraient à nouveau sous l'autorité de la Savoie, ils devraient payer à nouveau comme avant. On remarque que Fribourg n'était pas absolument certaine de conserver la seigneurie et redoutait une action des savoyards. Ainsi, le pacte de combourgeoisie de 1479 était rendu caduc. Notre village était dorénavant du ressort militaire et juridique d'Estavayer.

Mais en 1559, les inquiétudes de Fribourg devinrent légitimes. Emmanuel-Philibert de Savoie, fils de Charles duc de Savoie, récupéra son duché qui était resté occupé par les Français. Le bruit se répandit alors qu'il voulait également reconquérir le Pays de Vaud. Il avait pour cela levé une armée de 10'000 hommes. La devise de son blason en dit long sur ses intention : "Spoliatis arma superunt" (litt. : à ceux qui on été dépouillés, il reste les armes). Fribourg prit alors ses précautions en cas d'attaque. Elle fit publier dans toutes les seigneuries l'interdiction pour les habitants d'entrer au service de puissances étrangères et émanant des autorités. Apprenant que Berne et Fribourg avaient préparé leurs défenses, le duc de Savoie renonça à son projet d'invasion.

Jean d'Oncieux était devenu seigneur de St-Aubin à sa majorité. A sa mort, en 1569, son frère Charles d'Oncieux, devint seigneur de St-Aubin. Ce dernier mourut en 1590 et n'avait plus de frères pour reprendre par héritage sa propriété. En effet, ses trois autres frères avaient embrassé l'état ecclésiastique. De plus, son fils aîné, Aymé d'Oncieux avait été tué dans une bataille le 20 octobre 1587 qui voulait s'affronter les forces du roi de France Henri IV à la Ligue protestante de Smalkalde. La seigneurie revint donc à Louis, fils d'un deuxième mariage et encore mineur à cette époque.

Aux alentours de 1573, un noble savoyard devait 26'000 écus d'or à des créanciers suisses sous le cautionnement du duc de Savoie. Cependant les créanciers demandèrent un acompte de 7000 écus à Charles d'Oncieux, seigneur de St-Aubin à cette époque, à condition que celui-ci serve d'arrière-caution au duc savoyard et engage sa seigneurie comme hypothèque. Charles accepta. Puis ses deux créanciers lui demandèrent en vain pendant une trentaine d'années, le remboursement de leur prêt ainsi que les intérêts. Le jeune Louis d'Oncieux hérita de cette dette et n'avait pas de quoi la rembourser. Il dut se résoudre à laisser mettre en vente sa seigneurie suite à l'engagement de son père.

La seigneurie de St-Aubin fut donc mise aux enchères publiques. Jacques Vallier l'acheta contre une somme de 14'200 écus. Il se présenta devant le conseil de Fribourg le 11 septembre 1606 pour prêter l'hommage féodal. C'est ainsi que St-Aubin passa de la famille d'Oncieux, dont la branche s'éteignit à la mort de Louis qui n'eût aucun fils, à la famille Vallier originaire de Soleure.

 

Les Vallier, seigneurs de St-Aubin (1606-1691)

Jacques Vallier devint donc seigneur de St-Aubin en 1606 à l'âge de 51 ans. Il était déjà gouverneur de Neuchâtel depuis 1594. Ce personnage détenait une très bonne renommée puisqu'il devint à 19 ans seulement le secrétaire-interprète de l'ambassadeur de France en Suisse. Il a également occupé de nombreuses fonctions politiques dans la ville de Soleure d'où il était originaire. Il fut aussi capitaine dans l'armée royale française d'Henri IV. Il était même chevalier de l'ordre de St-Michel, ordre prestigieux en France en son temps.

Jacques avait hérité d'une grosse fortune de la part de ses parents et se força à augmenter ses biens notamment par l'acquisition de terres et c'est ainsi qu'il devint le seigneur de St-Aubin.

Il arriva pour la première fois dans notre village le 7 octobre 1606 et ce jour-là, sur la place publique devant l'église, eut lieu une grande fête en son honneur. Mais rapidement, l'enthousiasme retomba et les habitants de St-Aubin s'en prirent à leur nouveau seigneur. Une anecdote, rapportée par Fridolin Brülhart, concerne un procès entre Jacques Vallier et les St-Aubinois. Le nouveau seigneur escomptait jouir de tous ses droits féodaux dans sa nouvelle possession. Cependant, il remarqua que les d'Oncieux, qui par ailleurs n'avaient jamais résidé à St-Aubin, suite à leur problèmes d'argent, avaient consenti à annuler certains de ces droits à l'égard des habitants. Jacques fit autorités de Fribourg en 1610. Le nouveau seigneur exigeait notamment qu'une partie des pâturages communs avec Missy lui revienne à lui seul, il voulait augmenter le taux des amendes et réclamait aux habitants, comme droit de reprise, le double du prix du blé pour l'année du changement (rappelons que dans un système féodal, les vassaux, dans notre cas les habitants de St-Aubin, doivent des taxes (argent ou nourriture) à leurs seigneurs). Le Conseil de Fribourg trancha et donna partiellement raison au seigneur Vallier en lui attribuant une petite part des pâturages communs.

Jacques mourut en 1623 à Soleure.

Les Vallier, seigneurs de St-Aubin (1606-1691) : suite

Dans son testament, daté du 30 novembre 1616, il léguait sa possession de St-Aubin à ses fils Louis et Jacques. Ils possédèrent donc dans un premier temps ensemble la seigneurie, jusqu'en 1627. Puis, devenu infirme à la suite d'un accident de chasse, Jacques décida de céder la totalité de la possession à son frère Louis contre le versement de 12'000 florins, soit la moitié de sa valeur selon le testament de leur père. Durant le reste de sa vie, Jacques, établi à Fribourg, légua une grande partie de sa fortune à des bonnes oeuvres.

Louis Vallier devint donc seul seigneur de St-Aubin. C'est lui qui construisit, en 1631, le château communal. Depuis, le seigneur venait volontiers séjourner à St-Aubin malgré ses charges politiques à Soleure.

Son testament, daté du 30 novembre 1637, montre toute l'affection qu'il avait pour le village puisqu'il demande à être enterré dans le choeur de l'église de St-Aubin après sa mort, qui survint le 29 décembre de la même année. Il eut quatre fils et six filles. L'aîné, Jean-Louis dut quitter le pays après avoir été condamné à mort pour le meurtre d'un chevalier français.

C'est donc Antoine qui devint seigneur à la mort de son père. Il fut lui-même emporté en l'an 1641 sans avoir eu d'enfants et c'est son frère Pierre, ou Petermann, qui hérita de la seigneurie. Lui aussi venait volontiers séjourner dans le château de St-Aubin lorsque ses obligations militaires le permettaient. Car comme son frère Antoine, son père Louis et son grand-père Jacques, il était capitaine de régiment suisse dans l'armée royale française. Il y eut dans leurs compagnies des St-Aubinois qui participèrent ainsi aux grands conflits europérens du XVIIe siècle (principalement guerre de Trente Ans (1618-1648) et guerre de Hollande (1672-1678).

Le seigneur Pierre Vallier décéda en 1679 et légua à son fils unique, François-Pierre, la seigneurie de St-Aubin, Villars-les-Friques et Agnens.

Le nouveau seigneur se rendait compte que sa lignée était en train de s'éteindre. N'ayant lui-même pas de fils, et contrairement à ses prédécesseurs préférant largement séjouner de tout temps à Soleure, il se décida à vendre la seigneurie. C'est l'Etat de Fribourg qui en devint propriétaire en 1691 pour la somme de 30'500 écus. A la mort de François Pierre, en 1696, s'éteignit la branche des Vallier-St-Aubin.

En comparant les prix d'achat de la seigneurie (14'200 en 1606 et 30'500 90 ans plus tard), on se rend compte de l'intérêt que la famille Vallier portait à notre village et à l'effort qu'elle fit pour le développer.

Deux autre anecdotes nous sont rapportées par F. Brülhart durant la présence Vallier dans notre village. En 1640, un grand incendie vint embraser le centre du village causant des  dommages dans plus de quarante bâtiments. Les sinistrés sont alors partis quêter dans les villages alentours. Les communes de Missy, Delley, Villars, Chabrey, et Portalban leur donnèrent des chars de graines et la commune d'Avenches leur apporta une somme d'argent.

La même année, mais quelques mois plus tard, un autre fléau vint frapper le village, la peste. Elle fut amenée dans la région par des réfugiés de la guerre de Trente Ans. Une trentaine de villageois succombèrent à la maladie et les autres, par solidarité, firent de nombreuses prières publiques pour les malades et redressèrent la statue de St-Albin sur la fontaine villageoise. Une reproduction de cette statue est aujourd'hui encore visible sur ladite fontaine, reconstruite vers les années 1754.

L'Etat de Fribourg, seigneur de St-Aubin (1691-1798) : le temps des baillis

L'Etat de Fribourg fit alors de St-Aubin un bailliage, un territoire soumis à une forme spécifique d'administration. Le bailliage était dirigé par un bailli qui était le représentant direct de l'autorité cantonal. A St-Aubin, les 22 baillis successifs de 1691 à 1798 résidaient au château.

Rappelons que depuis 1536, le seigneur de St-Aubin avait accepté la domination de Fribourg et prêtait serment aux seigneurs de la ville. Cependant les habitants de la seigneurie dépendaient du seigneur et indirectement du souverain, à savoir leurs Excellences de Fribourg. Désormais, ceux-ci sont directement seigneurs des habitants et se faisaient donc représenter par le bailli. Celui-ci, issu de familles patriciennes de la ville, était nommé pour 5 ans.

Cette période dura un peu plus d'un siècle (107 ans) et fut marquée par quelques évènements notables : C'est durant ces années, en 1761, que fut construit le pont en pierres au-dessus de la Glâne, pont toujours existant aujourd'hui.

Le bâtiment des Carabiniers, fut construit en 1781 et alors nommé Maison de Ville. Ce bâtiment aujourd'hui restaurant était et reste toujours intimement lié à l'histoire de la société de tir et à celle des familles bourgeoises du village.

La chapelle des Friques fut bâtie en 1758 sous l'impulsion de quelques familles (Bardet, Guerry, Marion) qui désiraient une messe le dimanche dans leur village.

St-Aubin au temps de la République Helvétique (1798-1803)

Les agitations et révolutions qui frappent l'Europe au XVIIIe siècle n'épargnent pas la Suisse et cela a eu également des conséquences pour le village de St-Aubin.

Plusieurs personnalités suisses, des réfugiés pour la plupart, étaient établis à Paris et travaillaient activement à faire intervenir la France dans les affaires de la Confédération. Les pouvoirs en place dans des villes comme Berne et Fribourg agaçaient la population qui leur reprochait notamment de n'être ouverts qu'aux patriciens. Elle réclamait entre autre l'égalité des citoyens, l'accès aux charges publiques et l'abolition des privilèges des patriciens. Prenons l'exemple de St-Aubin, bailliage et donc sujet de Fribourg, qui était sous l'autorité de la ville et de son représentant, le bailli, un noble patricien issu de la ville.

Cependant, c'est principalement dans le Pays de Vaud que la tension était la plus forte. A la fin de l'année 1797, les troupes françaises étaient à la frontière, prêtes à envahir le Pays de Vaud, propriété de Berne. Rappelons qu'une partie du Pays de Vaud (Romont, Châtel-St-Denis, Rue, Estavayer, Surpierre, St-Aubin), était devenue fribourgeoise en 1536.

En janvier 1798, les troupes bernoises reculent. Les communes vaudoises proclamèrent la République lémanique et entrainèrent dans leur élan les bailliages fribourgeois. Et pour fêter l'événement on décida de planter un arbre de la liberté au centre des communes. A St-Aubin, on fit une grande fête pour l'occasion évidemment sans le bailli qui avait quitté précipitamment le village. Quelques jours plus tard, alors que l'armée française cantonnait à Payerne, St-Aubin accueillît quelques troupes de l'armée. En février encore, des soldats de l'armée française vinrent séjourner à St-Aubin puis à plusieurs reprises tout au long de l'année.

Fribourg capitula le 2 mars 1798.

Rédigée à Paris, la constitution helvétique est adoptée le 28 mars. Le pouvoir central est, selon le modèle français, entre les mains d'un Directoire de cinq membres. St-Aubin devint membre du district d'Avenches qui fut intégré au nouveau canton de Fribourg. A cette époque, le Directoire édicta que les biens des anciens cantons (domaines, forêts, châteaux, etc.) seraient dorénavant considérés comme biens nationaux. Ainsi, le château de St-Aubin, résidence des Vallier et des baillis devint bien national et fut peu après vendu à un privé.

Le district de St-Aubin ?

St-Aubin était considéré comme un village central pour les populations de la région. Il y existait en effet un marché, plusieurs magasins, un moulin, une boucherie et plusieurs habitants des villages voisins venaient à St-Aubin s'approvisionner. Il existait également une voie commerciale qui passait par St-Aubin et qui servait au commerce entre Neuchâtel et la rive sud du lac de Neuchâtel. Ainsi, la commune décida d'entreprendre des démarches pour devenir chef-lieu de district.

Le district devait comprendre les communes suivantes après accord de leur part : Les Friques, Delley, Portalban, Gletterens, Vallon et Missy. Cependant, au niveau cantonal, aucune suite ne fut donnée à ces démarches malgré leur renouvellement en 1802.

La France imposa de lourds impôts et réquisitions pour son armée qui se faisaient ressentir jusque dans les communes qui finalement déchantèrent vite après les joies qui suivirent l'arrivée de l'armée française plus tôt dans l'année.

S'ensuivirent quelques années de troubles, de confusions et de désordre liés à la mise en place de la nouvelle république helvétique. A côté de ça, les réquisitions pour l'armée française tant en hommes qu'en nourritures ou argent continuaient d'accabler les comptes et réserves des communes en plus des impôts.

L'intervention de Bonaparte et les révolutions de 1830 et 1848

St-Aubin de 1803 à 1851

Après divers soulèvements qui ébranlèrent le territoire suisse durant la brève période de la République helvétique, Napoléon Bonaparte, alors premier consul de France, intervint et imposa à la Confédération l'Acte de Médiation en avril 1803. Il abolît le Directoire et rétablît les 19 cantons et la Diète fédérale qui est désormais présidée par une seule et même personne choisie pour un an.

Au niveau régional, Avenches et Payerne sortent du canton de Fribourg et St-Aubin est rattaché au district de Montagny jusqu'en 1831.

Napoléon, alors en guerre dans l'Europe entière, réclamait une armée permanente en Suisse à son entière disposition. St-Aubin contribua évidemment à l'effort qui était grand tant les guerres napoléoniennes firent de nombreuses victimes.

La Suisse souffrait de cette dépendance à la France et les communes connurent à nouveau des difficultés financières liées aux impôts de guerre et de nombreuses familles connurent des deuils après la perte des parents dans les guerres.

Dès décembre 1813, des troupes étrangères arrivèrent en Suisse, pourchassant Napoléon après son échec en Russie. Elles encouragèrent les gouvernements à revenir à l'ancien régime et à reprendre les anciennes formes de gouvernement. Le Grand Conseil de Fribourg issu de l'Acte de Médiation abdiqua en janvier 1814. Un nouveau Conseil fut établi mais on ne reprit pas les notions de bailliage. St-Aubin demeura donc dans le district de Montagny.

Mais la situation ne pouvait pas durer. En 1830, on demanda une nouvelle constitution à la ville de Fribourg sous l'impulsion des grandes révolutions qui se passaient en Europe. Le Grand Conseil décida d'accorder une nouvelle constitution à la population qui réclamait une égalité des droits plus précise et plus claire entre les citoyens. Dompierre remplaça Montagny comme chef-lieu de district dans lequel figurait St-Aubin. Puis survint la guerre du Sonderbund, mettant aux prises radicaux et catholiques. Fribourg était dans le camp des catholiques et donc dans l'alliance appelée Sonderbund. La guerre civile éclata. Les catholiques en sortirent vaincus en 1848 et intervint alors une nouvelle constitution qui, mis à part des révisions en 1847 et 1999 est toujours en vigueur pour la Confédération suisse.

A partir de là, la Broye ne forme plus qu'un seul district avec Estavayer-le-Lac comme chef-lieu et dans lequel St-Aubin figure encore.

Le château de St-Aubin

Construit en 1631 par le seigneur de St-Aubin Louis Vallier, il devint bien national en 1798 et est vendu quelques années plus tard par Antoine Collaud. En 1849, le canton de Fribourg racheta le château aux héritiers d'Antoine Collaud et finalement le 5 mai 1851, la commune de St-Aubin l'acheta à son tour au canton et décida d'y installer ses écoles.

Pouarta krits è traina cro

Officiellement appelé St-Aubinois, l'habitant de St-Aubin a longtemps eu un surnom: le "Pouarta krits è traina cro" (ou Porta Critze et traîna croc). Cette formule en patois, que l'on peut traduire littéralement par le "porte ta hotte et traîne ton croc", désigne les St-Aubinois qui jadis se rendaient aux champs munis donc de tous les outils nécessaire à leurs travaux.

Quelques dates récentes à retenir

  • Fin du 19ème siècle : construction du télégraphe Missy/Estavayer-le-Lac par le Syndic J. Dessibourg.
  • 1950 : sous l'impulsion des Syndics Louis Perriard et Paul Rossier a lieu un remaniement parcellaire. Les premiers chemins bétonnés du canton sont construits à cette époque. Un drainage est entrepris.
  • 1964 : la société J.R. GEIGY SA s'établit dans la commune. Dans la foulée, le Consortium des Eaux est fondé et la station d'épuration mise sur pied (une des premières du canton).
  • 1991 : la fusion avec Les Friques est réalisée.
  • 1994 : la ferme communale, rénovée, devient une école à part entière.
  • 1997-1999 : rénovation du château et affectation des locaux à l'administration communale ainsi qu'aux activités sociales et culturelles.
  • 2004-2005 : rénovation du centre sportif.
  • 2013-2014 : construction de la nouvelle école, la Grange
  • 2014 : la commune achète la parcelle de l'ancienne boucherie
  • 2015-2016 : construction du bâtiment des pompiers CSPI Agnens
  • 2017 : transformation de l'annexe du château en AES

 

Jérémie Reynaud

 

 

Sources bibliographiques :
° BRUELHART Fridolin, St-Aubin - Notice historique sur les Seigneuries de St-Aubin et de Delley, la paroisse et les villages d'Agnens et des Friques, 1932
° CIARDO Franco, MARION Gilbert, La ville de Grandcour au Moyen-Age, Cabédita, Morges, 1993
° DELLION Apollinaire, Saint-Aubin, in Dictionnaire historique & statistique des paroisses du canton de Fribourg, volume 11, Imprimerie et librairie de l'œuvre de saint-Paul, Fribourg, 1901, p.7-33
° DUBOIS Frédéric-Théodore, Les Armoiries de Saint-Aubin, in Annales Fribourgeoises : revue fribourgeoise d'histoire, d'art et d'archéologie, 1ère années, N°1, 1913, p.40-41
° KUENLIN Franz, Dictionnaire géographique, statistique et historique du canton de Fribourg, Louis Eggendorffer, Fribourg, 1832
° PURY (de) Paul, Les Seigneurs de St-Aubin de la Maison de Wallier, in Annales fribourgeoises, 3e année, 1915, p.29-33 ° Dictionnaire historique de la Suisse (DHS, version en ligne : www.dhs.ch)